1955

Le Fils de Caroline Chérie

  • Réalisation : Jean-Devaivre
  • Assistant à la réalisation : Claude Sautet
  • Scénario : d’après le roman de Cécil Saint-Laurent
  • Adaptation ‘de l’auteur’ (en fait Jean Anouilh et Jean-Devaivre – non crédités au générique)
  • Dialogues : Cécil Saint Laurent et Jacques Delasame (pseudo du producteur François Chavane – (en fait Jean Anouilh non crédité au générique)
  • Production : Cinéphonic, Gaumont
  • Producteurs : Alain Poiré, et François Chavane
  • Tournage : 1954 dans les Pyrénées Orientales (Collioure, Argelès, Mont-Louis, Port-Vendres) région parisienne et studios Franstudios à Saint Maurice

Sortie en France : mars 1955

Edition DVD Gaumont Classiques (lien), disponible en particulier sur FNAC.COM, RAKUTEN, AMAZON, …

1 – Le contexte et le film

Janvier 1954 : François Chavane, le producteur de Cinéphonic  – producteur des deux premiers volets de Caroline -, appelle Devaivre. Il veut absolument démarrer Le Fils de Caroline Chérie.

Le Caprice de Caroline Chérie, sorti en salles en février 1953, a  été un immense  succès commercial, rentabilisé en moins de neuf mois. Dans un tout autre registre, avec Erich von StroheimAlerte au Sud,  tourné par Jean-Devaivre en 1953 dans la foulée immédiate du Caprice, sorti en salles début novembre 1953, est en tête du box-office.

Au vu des recettes, les deux producteurs, Gaumont/Alain Poiré et Cinéphonic/François Chavane sont convaincus qu’il faut mettre en chantier au plus vite le 3e volet de la trilogie.

Jean-Devaivre prend le scénario que Cécil Saint-Laurent, sur la base des quelques mille pages de son roman éponyme, a fourni à Chavane  (qui ne l’a pas lu et donné par ailleurs directement à Anouilh …). Et il hésite doublement :  le scénario est encore maigre, à réétoffer assez fondamentalement, et les relations ne sont pas simples entre auteurs ‘vrais’ et auteurs voulus  et affichés… Et puis, deux ans avant, les coulisses du Caprice n’ont pas été une totale partie de plaisir. 

L’équipe de conception se forme assez vite, et  le jeune Claude Sautet est désigné comme premier assistant : actif, imaginatif et attentif à la valeur des détails, il va se montrer vrai assistant et soutien pour JDV, dès les premières étapes de préparation du scénario-adaptation  et des dialogues.

 Du côté des comédiens, Jean-Claude Pascal, est à nouveau présent dans ce dernier volet, cette fois dans un tout autre rôle, celui précisément du Fils (mais qui s’ignore tel ..) de Caroline Chérie, mais il n’est plus ‘le jeune premier montant’ qu’il était pour le Caprice.  Après le succès du Caprice dans le rôle de Livio, le beau danseur et chef des insurgés, puis immédiatement ensuite  le succès d’Alerte au SudJean-Claude Pascal tient le 1er rôle-vedette de Jean Pasquier, jeune officier français au Maroc , il est maintenant une star, et va tenir le rôle-titre.

De son côté, Martine Carol, sacrée pin-up internationale par tous les magazines de l’époque, désormais compagne et bientôt épouse du réalisateur Christian Jaque, avec qui elle tourne à cette époque Lucrèce Borgia puis  Madame Du Barry, ne sait pas si elle va accepter le rôle : à la fois car le rôle de Caroline n’est plus central – le personnage essentiel est celui de Juan d’Aranda, incarné par Jean-Claude Pascal -,  Martine Carol interviendrait ainsi seulement pour quelques scènes),  et aussi parce que ce rôle de ‘mère’ va devoir la vieillir .. alors même que c’est Brigitte Bardot, qui, toute jeune débutante prometteuse, va incarner dans le film le rôle essentiel de Pilar d’Aranda..

Tout au long de la préparation, et jusqu’aux premiers tours de manivelle, le final du scénario restera en suspens, faute d’une réponse claire de Martine Carol. 

Caroline n’apparaîtra finalement qu’en portrait dans le bureau de son mari  le général de Sallanches (toujours incarné par Jacques Dacqmine)..

 Le tournage a lieu au printemps et à l’été 1954, en extérieurs dans les paysages des Pyrénées Orientales, paysages français – de montage et de mer –  les plus proches de ceux de l’Espagne.  La première scène captée (qui dans le scénario se situe plutôt vers la fin du film) le sera à Port-Vendres (étymologiquement le Port de Venus), entre Pilar d’Aranda (Brigitte Bardot), Tinteville (Georges Descrières) et Teresa (Magali Noel), venus dans une taverne acheter les services de marins pour le sauvetage de Juan d’Aranda, retenu prisonnier sur l’île de Cabrera.

En savoir plus sur          

2 – Synopsis

Nous sommes en 1806. C’est désormais l’Espagne qui est occupée par les troupes de Napoléon. Le film s’ouvre, non pas sur la scène de naufrage et de sauvetage d’un enfant, prévue par le scénario initial, –  qui permettait immédiatement au spectateur de percevoir le mystère de l’origine de Juan d’Aranda -, mais sur un intérieur de château espagnol où une mère, la marquise d’Aranda et l’une de ses filles, Conchita, font précipitamment leurs malles pour quitter leur demeure qu’elles ne veulent pas voir envahie par un détachement armé français. Pendant ce temps, Juan d’Aranda  (Jean Claude Pascal) prépare son cheval, s’apprête à rejoindre les insurgés espagnols, et dit au revoir à (celle qu’il croit être) sa jeune sœur, Pilar.Toute l’histoire sera celle des combats et engagements de Juan d’Aranda  – d’abord ignorant de ses origines, à la recherche de son vrai rôle de résistant dans cette guérilla franco-espagnole : d’abord auprès de guérilléros – en fait des pillards qui vont chercher à le pendre-, puis auprès d’un vrai chef de maquis qui le charge de tendre un piège au général Gaston de Sallanches ; du côté de Sallanches lui-même enfin, auprès de qui il va progressivement comprendre sa vraie identité.

Fait prisonnier et menacé de mort à plusieurs reprises, le beau Juan d’Aranda sera tiré d’affaire  en même temps qu’il découvrira progressivement la réalité de ses origines par l’action de plusieurs jeunes (et jolies) femmes :  une sauvageonne gardienne de bétail dans la montagne, Térésa (Magali Noël), une duchesse proche du Général de Sallanches, la duchesse d’Albuquerque (Sophie Desmarets) qui intervient pour lui éviter le peloton d’exécution pour les traîtres ..;  alors qu’il sera finalement trahi par son ami, l’aide de camp de Sallanches, le lieutenant (et marquis) de Tinteville (Georges Descrières), qui tentera tout pour lui arracher la jeune Pilar (Brigitte Bardot), l’élue de son cœur.

Juan d’Aranda, le fils de Caroline Chérie, retrouvera finalement la belle qu’il a toujours aimée, Pilar, pendant que Gaston de Sallanches, lui, retrouvera sa femme Caroline.

  

En savoir plus sur


3 – La Distribution

Distribution

Jean-Claude Pascal : Juan d’Aranda
Sophie Desmarets : La duchesse Laure d’Albuquerque
Brigitte Bardot : Pilar d’Aranda
Jacques Dacqmine : Le général Gaston de Sallanches
Magali Noël : Térésa
Georges Descrières : lieutenant de Tinteville, aide de camp
Alfred Adam : Le général Lasalle
Micheline Gary : Conchita d’Aranda
Michel Etcheverry : Le prieur fanatique
Germaine Dermoz : La comtesse d’Aranda
Daniel Ceccaldi : Le lieutenant Bogard
Albert Dinan : Le lieutenant Guéneau
Robert Dalban : Le capitaine des gendarmes
Jean Debucourt : Le père supérieur
Robert Manuel : Le roi Joseph
Jean Galland : Le marquis de Villa-Campo
Marcel Pérès : Frégos les Papillottes, chef des guerilleros
Bernard Lajarrige : Lavaux, l’ordonnance de Juan
Sylvie Pelayo : La jeune fille blonde
Pascale Roberts : Une femme de général
Charles Deschamps : L’oncle de Juan
Marcel Bozzuffi : Un maquisard
Georges Bever : L’homme aux salades
Bernard Musson : L’homme aux fèves
Robert Le Béal : Un militaire
Albert Michel : Le fonctionnaire de la prison
Lisette Lebon, Jacky Blanchot, Claude Carliez, Joe Davray , Guy-Henry, André Dumas …

Générique technique

Réalisation : Jean-Devaivre
Assistant à la réalisation : Claude Sautet
Scénario : d’après le roman de Cécil Saint-Laurent Adaptation ‘de l’auteur’ (en fait Jean Anouilh ,et Jean-Devaivre – non crédités au générique)
Dialogues : Cécil Saint Laurent et Jacques Delasame (pseudo du producteur François Chavane – en fait Jean Anouilh, non crédité au générique)
Production : Gaumont, Cinéphonic
Producteurs délégués : François Chavane, Alain Poiré
Distribution : Gaumont
Directeur de production : Robert Sussfeld
Directeur de la photo : Maurice Barry
Décorateur : Jacques Krauss, assisté de Robert Hubert (pour Collioure)
Ingénieurs du son : Jean Rieul
Montage : Germaine Artus
Costumes : Rosine Delamare
Régisseur général : Irénée Leriche
Musique : Georges Van Parys

Date de sortie : France 11 mars 1955


4 – Echos dans la presse

7 – Tournage en studios , à Saint-Maurice

extraits de « Action ! » Mémoires 1930-1970

SAINT-MAURICE : LES DECORS DE JACQUES KRAUSS

Nous rentrons à Paris pour les studios. A Saint-Maurice les décors de Jacques Krauss sont magnifiques, qu’il s’agisse des intérieurs et du grenier des pillards, ou du luxe chatoyant des salons du roi Joseph, du boudoir de Sophie Desmarets, des chambres et salons de la famille d’Aranda ou bien du hall du château espagnol et bien d’autres. Tous d’une réalité, d’un goût raffiné, intelligent, font vrai. J’apprécie beaucoup cette maîtrise. Je suis ravi et le lui dis.
Tous les angles des décors sont volants, c’est-à-dire démontables. Jacques Krauss a suivi scrupuleusement mes croquis. L’ensemblier Turlure a fait des prodiges. Avec Krauss, il a pensé à tout. Où ont-ils pu dénicher tous ces accessoires authentiques ? C’est le secret de Turlure. Au murs, des tapisseries espagnoles du XVIIe siècle, sur d’autres, d’immenses fresques peintes, dans le goût d’Uccello.. Je félicite Jacques Krauss et le charge de faire mes compliments à l’artiste qui a peint les fresques. Et dire que ces fresques superbes seront détruites lorsque nous aurons terminé. Quel dommage, quel gaspillage de talent !
La première séquence que nous tournons aurait dû venir après la scène du naufrage. Elle met en scène la précipitation dans la fuite de la famille d’Aranda qui déménage avant l’arrivée des troupes françaises qui occupent déjà une partie de l’Espagne. Il y a beaucoup d’affolement.
Germaine Dermoz est une comtesse douairière remarquable, elle possède à fond un métier à toute épreuve, je n’ai guère d’indications à lui donner. C’est une grande comédienne qui connaît le cinéma depuis le muet.
Micheline Gary, dans le rôle de Conchita, l’aînée de Pilar : d’une grande beauté, elle joue très intelligemment son rôle, qu’elle connaît sur le bout des doigts. Mon métier devient tout simple, des indications pour ses places,… ses gestes sont aisés. Il ne faut pas lui expliquer ce qu’elle doit faire de ses bras de ses mains .. son métier est bien maîtrisé. Tout juste la calmer de temps à autres, elle veut trop bien faire…

BRAVO MES COMEDIENS !

Le grand salon chez le Roi Joseph est rutilant. Aucun heurt de couleurs, tout est harmonieux, Jacques Krauss y a bien veillé. Les robes des femmes sont chatoyantes, les dentelles fines, les étoffes de soie souples, et le frôlement des soies donne un léger son très agréable.
Alfred Adam, le Général Lassalle, fait un bon «numéro» dans sa colère contre les bandits guérilleros, lorsqu’il réplique à Robert Manuel, « le Roi Joseph », qu’il le trouve trop magnanime, pour les guérilleros qui déciment les convois de l’armée française. Sophie Desmarets est parfaite en charmeuse avec Juan d’Aranda / Jean-Claude qui ne cherchait pas à la séduire, mais qui évidemment tombe sous son charme.
Le Général de Sallanches, Jacques Dacqmine est versatile, entre des moments de tendresses infidèles et des accès de fureurs aveugles. C’est certainement l’un de ses meilleurs rôles de Jacques. Magali Noël me conforte dans mon choix. Elle est fine, et bouillante à la fois. Magali devrait faire une grande carrière, elle sait tout faire. Pascale Roberts a déjà beaucoup de métier, c’est un ouragan contenu.
Micheline Gary, belle comme une déesse grecque, possède une diction impeccable, un charme inné, presque plus fort encore lorsqu’elle a revêtu la robe des soeurs de son couvent
Brigitte….. Brigitte Bardot, a vraiment pris possession de son personnage, et m’émeut souvent.
A force de volonté, de la fraîcheur de sa jeunesse. Elle est pure, spontanée. Ses gestes sont souples, pas apprêtés ; elle sait se laisse aller. Elle est elle-même….. Tout le contraire de ce que l’on m’avait annoncé.

George DESCRIERES

Georges Descrières a déjà la manière de la Comédie Française….. Il va d’ailleurs en faire partie après le film. Descrières n’a qu’un seul défaut : les projecteurs doivent le gêner beaucoup car il ferme les yeux très souvent. Je le lui fais remarquer à chaque scène. Le cinéma, c’est l’oeil .. et le regard. Descrières fera des efforts méritoires, et à chaque reprise, les ouvrira un peu trop. Mais il a une aisance splendide, est très attentif, sautant sur chaque réplique ne laissant jamais un temps mort.
Le rythme ! Le rythme rapide pour ce récit, c’est une priorité …et aussi pour n’être point obligé de couper encore au montage ! Les lames des sabres de l’équipe de Carliez, Raoul Billeret, Jacky Blanchot et Georges Demas, dans les combats, sont convaincantes. Heureusement, il n’y aura pas d’entailles, pas de blessures, ce qui arrive pourtant fréquemment avec les combats au sabre.
Les ‘petits rôles’ aussi ont été excellents – ceux qui deviendront des ‘grands’, Daniel Ceccaldi, Marcel Bozuffi, .. mais aussi ceux qui seront moins dans la lumière, et qui auraient mérité de faire de plus grandes carrières : Sylvie Pelayo, Bernard Lajarrige …
Les scènes en studio sont terminées.

8 – Dernier tournage en extérieur : LA GRANGE-BLENEAU

Nous partons de nouveau en extérieurs dans la région parisienne, au château de «la Grange-Bléneau», – la demeure d’un descendant du Général de La Fayette. Le propriétaire, René de Chambrun, un homme très affable, nous accueille chaleureusement. Il conserve beaucoup de souvenirs et de présents que son illustre aïeul a reçus en Amérique, durant son séjour outre-océan : il me fait découvrir, dans une ancienne grange, un magnifique canoë en bois, encore parfaitement en état, offert par un chef indien à La Fayette en reconnaissance de son action.
Ce canoë est d’une longueur inaccoutumée. Six ou huit hommes devaient y tenir en file, j’imagine le spectacle impressionnant qu’il devait donner, dans les eaux rapides d’une rivière, ou bien sur un lac.
Nous venons animer la solitude du châtelain, enchanté de la présence de Germaine Dermoz qu’il a tant admirée autrefois dans ses films.
Devant la grande façade de la Grange Bléneau, nous tournons, avec une calèche et un char, le déménagement hâtif de la famille d’Aranda sous les remontrances de Charles Deschamps, volubile à souhait.
Puis le départ de Juan qui fait ses adieux à Pilar. Brigitte, boudeuse, a peine à retenir ses larmes. Elle est très bien.
Encore des cavalcades avec Dacqmine et Jean-Claude.
L’accident. Le renversement de la calèche et l’arrivée du carrosse de Caroline. La porte du carrosse s’ouvre, Sallanches se précipite, ce seront les images de la fin du film. Pas celles que j’aurais voulues, mais c’est ainsi. Le choix des producteurs, par souci budgétaire …
Le lendemain, nous terminerons le tournage par les scènes du relais de poste.

Ouf ! Le Fils de Caroline est terminé …  Il n’aura pas été « chéri » …