1957

L’INSPECTEUR AIME LA BAGARRE

  • Réalisation : Jean-Devaivre
  • Scénario et dialogues : Pierre Apestéguy et Jean-Devaivre, sur une idée de G. Germain (pseudo)
  • Production : Les Films Neptune / Sirius
  • Distribution : Sirius
  • Tournage : 1956 à Paris, région parisienne, Bruxelles, Anvers  et Studios Saint-Maurice 

Sortie en France : 12 juin 1957

L’inspecteur aime la bagarre  est accessible en DVD, dans une version image et son totalement remastérisée sur le site de Lobster  ainsi que Amazon  et Fnac

 1 – Le film et son contexte

Avec L’Inspecteur aime la Bagarre,  tourné en 1956 à Paris et en région parisienne,  à Bruxelles et à Anvers,  Jean-Devaivre renoue avec le style policier ‘grand public’ , et avec Pierre Apestéguy comme scénariste –  Apestéguy est l’auteur du roman qui a donné matière à la Dame d’Onze heures, presque dix ans plus tôt.  Aussi avec Paul Meurisse, cette fois dans le rôle d’un policier .

Le film sera coproduit par Sirius et par Neptune, – le sujet est jugé public et donc ‘bankable’ par les producteurs de Sirius, qui préfèrent produire Devaivre  dans ce type de films plutôt que dans  les thèmes plus ambitieux, et donc plus risqués, que celui-ci aurait souhaité monter :   avec Erich von Stroheim et Denise Vernac « Poto-Poto » sur un scénario de Denise, – l’action se situe dans la jungle africaine, ou encore une suite à  Alerte au Sud,  ‘Alerte au Nord’ … Ou encore un projet d’après un roman de Léonce Peillard Les pigeons d’or’ qui devrait se tourner  en Italie et Yougoslavie, – les repérages ont été effectués -, mais les projets ne pourront se monter, faute de financements suffisants.  Un autre beau projet, avec Pierre Apestéguy, ‘La Nuit des Carpathes’, ne pourra se faire non plus. Avec Gaumont, Jean-Devaivre essaye aussi Jean-Christophe de Romain Rolland, dont il présente un long synopsis ; puis, d’Henri Pourrat, Gaspard des montagnes, Grand Prix de l’Académie Française en 1931, une œuvre qui l’avait passionné à sa sortie.

Las, les projets et synopsis se sont accumulés, Les Choses voient’, La Bouteille à la Mer … ; ceux-là non plus ne pourront se monter, et sa société Neptune n’a pas les reins suffisamment solides financièrement pour monter un film  seule…

Banco, JDV, avec Pierre Apestéguy, se rabat sur ‘Pile ou Face’ puisque ce projet est accepté, et co-financé, par Sirius et Antoine de Rouvre.

 C’est une histoire de jumeaux, séparés à la naissance, et qui se retrouvent, l’un pour protéger l’autre, le jour où l’un d’eux est soupçonné de meurtre, et de vols de plans aéronautiques secrets.

Voici ce qu’en dit Jean-Devaivre,  dans ses mémoires :
extr
aits de « Action ! »  Mémoires  1930-1970

 « L’histoire raconte les aventures de deux frères jumeaux (ce n’est pas nouveau). L’un, de caractère faible, est ingénieur chez un constructeur d’avions. L’autre est à l’opposé. Il est commissaire de police en Belgique.

Une suite de quiproquos, d’aventures échevelées plus galopantes les unes que les autres. Ce n’est pas génial, mais c’est du cinéma. Beaucoup d’extérieurs, peu de tournage en studios. Le film ne coûtera pas cher. Il doit être public,  il faut vivre...

Encore beaucoup de mal à trouver le financement, car le comptable C., qui a pris de plus en plus d’importance à Sirius, ne veut pas avancer d’à-valoir de distribution. Il faut trouver ailleurs des financements : avec des crédits du laboratoire LTC que nous fait obtenir Jacques Hawadier (maintenant conseiller de Marius Franay), avec l’aide de Faidherbe, le chef de fabrication et un crédit de Franstudio à Saint Maurice, nous parvenons une nouvelle fois à boucler notre budget.  Mais une fois encore, Neptune seul vraiment producteur, prend tous les risques. Simone en a plein les bottes… »

L’idée initiale du scénario est ‘familiale’. Le pseudonyme du scénariste sera G. Germain.  (NB : rien à voir avec l’helléniste Gabriel Germain comme certaines encyclopédies peu renseignées l’écrivent..)  Adaptation de Jean-Devaivre et Pierre-Apestéguy, dialogues de Pierre Apestéguy.  Le ‘jeune premier’, alors quasiment inconnu au cinéma, il joue surtout au théâtre, sera Louis Velle, qui incarnera les deux jumeaux. L’actrice principale, Nicole Courcel.  Pour le rôle de l’inspecteur Morice,  Paul Meurisse retrouve avec plaisir Jean-Devaivre, avec qui il a tourné La Dame d’Onze heures, .. neuf ans plus tôt, film policier qui a contribué à le lancer. Il y aura aussi les fidèles de Jean-Devaivre : Jean Tissier, et Albert Dinan, et aussi le comédien-cascadeur Roland Toutain, et Bernard Dhéran, de la Comédie Française

2 – Les Echos dans la presse de l’époque

Extraits de « Action ! »  Mémoires  1930-1970

Cascades et stock-cars  «  Je prends aussi Lucien Anquetil, un spécialiste de courses de stock-cars .., qui nous fournit une splendide Buick et m’organise une course de stock-cars, la nuit, sur les Champs Elysées.

Lucien Anquetil nous apportera également une belle Cadillac grise décapotable qui jouera dans le film. La Cadillac servira aussi de travelling pour la caméra : quelle souplesse de suspension ! ».

Le film sera tourné en extérieurs, à Paris, à l’aéroport du Bourget, à Saint-Cloud, à Houdan et sur l’autoroute de l’Ouest  entre Versailles  et le pont de Saint- Cloud.  à Marnes la coquette,  à Toussus-le-Noble, , sur la Seine entre  Boulogne et Puteaux. Pour les scènes d’intérieur, ce sera FranStudio, à Saint Maurice .. où le décorateur, Paul-Louis Boutié va reconstituer le rez-de-chaussée de la maison de JDV à Saint-Cloud, où quelques scènes seront aussi tournées.


3 – Résumé / synopsis

Le film commence au Bourget, lors d’une exhibition aérienne officielle.  Jacques Pile, ingénieur en aéronautique, est sommé par deux malfrats de dérober les plans secrets d’un moteur à réaction atomique : si oui, on effacera ses dettes de jeu, sinon, tout sera révélé à son futur beau-père, le célèbre constructeur d’avions André Lavault… L’intrigue se noue lorsqu’on comprend que Jacques a un frère jumeau, Georges, qui lui ressemble à s’y méprendre … et tous deux ont la même manie, jouer leur avenir et leurs choix à ‘’pile ou face’’ …

De fait, les jumeaux, Jacques et Georges Pile, (Louis Velle) ont été séparés à la naissance. L’un, Jacques vit à Paris, alors que l’autre, Georges,  a été élevé à Bruxelles – où il est devenu commissaire de police.

Lorsque Jacques, – le parisien, ingénieur dans l’aéronautique -, est soupçonné du meurtre du constructeur d’avions, André Lavault, et du vol des plans secrets, il s’affole et prend la fuite, Georges va venir à son secours… en se faisant prendre pour lui. Georges, le policier belge, prend ainsi la place de son frère, Jacques l’ingénieur présumé voleur, et tient tête à la police française,(Paul Meurisse, inspecteur de police)  comme à la bande d’aventuriers (Bernard Dhéran, Albert Dinan ..) qui cherchent à voler les plans. Sa ressemblance extraordinaire avec son frère va lui permettre de les tromper tous, y compris Hélène (Nicole Courcel), la fiancée de Jacques, – qui se trouve être la nièce du constructeur d’avions. Celle-ci va se lancer aussi  à la recherche des documents qui concernent l’invention de son père.

En fait, Jacques n’est pas l’assassin, mais c’est bien lui qui a dissimulé les plans. Pris de remords, il ne les livrera pas mais il sera blessé au cours d’un accident. Georges dénoue toutes les situations et arrive à récupérer les précieux plans.. Hélène, qui n’a pas cessé d’aimer Jacques, lui pardonnera tandis que Georges repartira vers de nouvelles aventures…

4 – La signalétique

Distribution

Nicole Courcel : Hélène
Paul Meurisse : inspecteur Morice
Louis Velle : Jacques et Georges
Roland Toutain :  Gil
Jean Tissier : Jules, le majordome
Bernard Dhéran
Albert Dinan
Georges Demas
Jacky Blanchot
Jane Marken
Jacques Ary
Jean Daurand
.. et Lucien Anquetil (cascades)

Fiche technique

Réalisation : Jean-Devaivre
Scénario : Pierre Apestéguy, sur une idée de Georges Germain (pseudo), et Jean-Devaivre
Adaptation : Jean-Devaivre
Dialogues : Pierre Apestéguy
Production : Société des Films Neptune, Sirius
Producteurs délégués : Jean-Devaivre, Antoine de Rouvre, Lucien Masson
Directeur de la photo :Christian Gaveau
Directrice de production : Simone Devaivre
Décorateur :  Paul-Louis Boutié
Assistant à la réalisation :   Louis Devaivre
Ingénieurs du son :  Jacques Carrère, Robert Teisseire
Montage :  Simone du Bron
Musique :  Joseph Kosma
Distribution : Sirius

Date de sortie :  France  12 juin 1957


5 – Les comédiens

Tournage de nuit : stock-cars sur les Champs Elysées

Tournage de la poursuite des voitures de stock-cars sur les Champs-Elysées. Il est deux heures du matin, il n’y a plus guère de circulation.

Nous avons obtenu l’autorisation de la Préfecture de Police de tourner à partir de cette heure. Lucien Anquetil a réuni 7 voitures, peintes de couleurs bariolées, quelques-unes sont ignobles, rayées comme des zèbres ou comme les bannes de la devanture d’un boucher. Avec Lucien Anquetil, il y a Henri Riou, un as des courses de stock-cars, Bonnet, un garagiste, Michelle Fricoteau, une fille gonflée, et quatre coureurs. Louis Velle doit piloter une magnifique Hotchkiss qui a été peinte en quadrillés noirs et blancs comme le drapeau des arrivées pour les fins de courses. Elle est reconnaissable  ! Aucune voiture n’a de pot d’échappement, cela fait un vacarme de cataclysme. Tout le quartier va s’éveiller.

Nous commençons par l’Avenue de la Grande Armée. Les voitures se lancent à la poursuite de la Hotchkiss de Louis Velle et sortent de la Rue Pergolèse, dans le sens interdit, à contre sens  ! Le monôme des voitures vire sur les chapeaux de roues, s’engage dans la grande avenue. Les rares passants sont ébahis et terrorisés. Les voitures se rejoignent toutes Place de l’Etoile, certaines, qui sont à l’arrière, veulent passer devant. Les voitures provoquent des arrêts piles des voitures de noctambules attardés. Il s’en suit une pagaille, certains de nos engins se heurtent volontairement au milieu de coups de freins rageurs.

Devant l’Arc de Triomphe, une Ford  antique  bousculée, fait un demi-tonneau, reste à plat sur un côté.

Je fais prévenir la longue file de taxis qui stationne au centre de l’Avenue des Champs Elysées : il risque d’y avoir des bousculades et des frottements, et il serait préférable que leurs voitures se rangent sur l’autre rive. Ils refusent, on verra bien. La descente endiablée commence. La poursuite…. Partant à gauche et à droite la Hotchkiss bouscule les premiers poursuivants. Henri Riou, un cascadeur garagiste, a pris le volant à la place de Louis Velle car Velle, qui ne voit pas grand-chose la nuit, prend de temps à autre ses lunettes qu’il a posé sur ses genoux. Riou est un as en vogue des courses de stock-cars. Il fait là une démonstration de sa dextérité et de sa hargne. C’est une suite de collisions flancs à flancs, d’arrachage d’ailes. Sur le terre-plein central des Champs-Elysées, les chauffeurs de taxis hurlent. Devant la façade du grand cinéma Le Marignan, il y a des travaux sur la chaussée. Sans vergogne, la Hotchkiss encadre les barrières et les traîne sur une vingtaine de mètres. Les poursuivants en font autant.

(Lire la suite...)

Poursuite de jour dans l’ouest parisien

 A 11 heures, huit heures plus tard, c’est de nouveau une poursuite sur la route de Houdan et sur l’autoroute, en partant de l’embranchement de Versailles. Ma grosse Station Wagon Ford, la ‘Baleine’ d’Alerte au Sud est de la fête. Elle est occupée par Dinan, Georges Demas et Jacky Blanchot.  A l’arrière, un mannequin costumé avec le complet veston de Jacques, le frère jumeau de Louis Velle. Je prends le volant pour être certain que les mouvements prévus seront bien exécutés, aux secondes voulues pour la caméra. Derrière la Station-Wagon, Nicole Courcel pilote la nouvelle Citroën DS 19 que la direction de Citroën nous a confiée pour faire une démonstration. La caméra est placée dans la Cadillac grise décapotable de Lucien Anquetil, elle suit les deux autres voitures. Christian Gaveau est au viseur, Kaminsky fait le point.

Nous faisons une répétition. Evidemment, comme je roule à 150, Nicole Courcel se laisse trop distancer et je demande à l’essayeur de Citroën de prendre le volant de la DS 19. Nous tournons, la DS suit docilement en se rabattant chaque fois qu’elle double une autre voiture pour que la caméra fixée dans la Cadillac puisse bien suivre les évolutions : avoir dans le cadre la DS et la Station-Wagon devant. Quelques plans rapprochés de Nicole Courcel au volant pour les raccords. Une scène rapide de ravitaillement en essence pour la Baleine, le poste d’essence a un énorme bidon Shell de 10 mètres de haut.. (ce bidon me remémore mon escapade avec J. B. Salis et la rencontre avec André Malraux[1]). … Il n’existe plus, ce poste… Nous passons sur l’autoroute. … Un bon 160 pour tout le monde et, au lieu dit, après le pont de Jardy, Blanchot ouvre les deux hayons arrière de la Station-Wagon et projette en pleine vitesse sur la chaussée le mannequin du jumeau de Louis Velle. ça marche !

[1] En 1937, JDV part de Toussus vers Teruel avec l’aviateur Jean-Baptiste Salis pour convoyer de l’approvisionnement pour les républicains. C’est sa 1e rencontre avec André Malraux (cf. Action ! )


7 – Les photos