1949
Vendetta en Camargue
(Titre initial : Miss Cow-boy)
- Réalisation : Jean-Devaivre
- Assistant réalisateur : Paul de Cordon
- Scénario : René Méjean et Jean Devaivre
- Dialogues : René Méjean
- Production : Les Films Neptune
- Distribution : Sirius
- Directrice de Production : Simone Devaivre
- Photographie : Lucien Joulin
- Musique : Joseph Kosma
- Décors : Robert Hubert
- Son : Jean Carrère et Jean Dubuis
Avec Brigitte Auber, Jean Paqui (Jean d’Orgeix), Rosy Varte, Jean Tissier, Daniel Sorano, Mady Berry, Jacques Dufilho, Thomy Bourdelle…
Tournage en Camargue 1949 : Manade Emile-Bilhau (Saint-Gilles-du-Gard) et marais deltaïques avoisinants
- Date de sortie : France : 23 août 1950
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Vendetta en Camargue est accessible en DVD, dans une version image et son totalement remastérisée sur le site de Lobster ainsi que sur Amazon et Fnac
1 – Le film et son contexte
La conception de Vendetta en Camargue vient après la réalisation de La Ferme des Sept Péchés, qui à ce moment, – en début 1949 -, n’a pas encore reçu le titre suprême, et surtout la visibilité, du Grand Prix de Locarno (été 1949).
Pour son prochain et 4e film, Jean-Devaivre, qui a alors 36 ans, souhaite réaliser un film plus léger, plus facile, et plus public. Le retour financier de La Ferme n’est pas encore là – et sera difficile -, et son choix de producteur-réalisateur s’oriente ainsi sur un film de divertissement populaire, aussi un film pour les enfants, avec des cavalcades, la nature, des chevaux et des toros, .. et surtout la Camargue.
Ce sera un ‘western français’ conçu pour et autour de la Camargue.
Prévu initialement sous le titre « Miss Cow-Boy », Vendetta en Camargue, est un film de détente, entre galopades et séquences burlesques, – avec travellings de courses-poursuites à cheval dans les roubines et sansouires, bagarres, rodéos et concours de lassos, danses gitanes, chevauchées, sables mouvants, mas barricadés et attaqués, grands espaces et retournements de situations …-, un film qui met en avant la beauté sauvage des paysages camarguais.
La Camargue, Jean-Devaivre l’a connue quelques années auparavant, lorsqu’assistant de Léon Mathot, il a participé au tournage en Camargue de Cartacalha, reine des Gitans.
Pour le scénario de Miss Cow-boy, Devaivre poursuit sa collaboration avec René Méjean, spécialiste de la culture et de la langue provençale, qui signera aussi les dialogues.
Tourné dans le Gard en septembre 1949, au mas Emile-Bilhau , – le mas a été fondé 10 ans auparavant, -, avec une équipe relativement réduite – et aussi familiale -, et avec des comédiens qui font partie des fidèles de Jean-Devaivre, Vendetta en Camargue , film féministe avant la lettre, réunit la jeune comédienne Brigitte Auber – bientôt future héroïne d’Hitchcock pour La Main au Collet -, dans le rôle d’Huguette, l’héritière de la manade ; le comédien et cavalier olympique Jean d’Orgeix, ici sous le pseudonyme de Jean Paqui – il a été champion olympique d’équitation quelques mois auparavant, tout en ayant déjà plus de 10 films à son actif.
Aussi Rosy Varte, alors jeune comédienne peu connue, en cheffe gitane et troublante danseuse ; Jean Tissier, – fidèle d’entre les fidèles – en régisseur du mas, Mady Berry, Thomy Bourdelle et Daniel Sorano en gardians, Jacques Dufilho en ‘romani’ voleur et cavalier, Louis Devaivre, le frère de JDV, sera aussi l’un des gitans, et Emile Bilhau, le fondateur et propriétaire de la manade sera l’un des gardians du film.
Une bonne partie du gotha camarguais se sera penché sur le berceau et la dynamique du film : Joe Hamman, le ‘créateur’ du western, dans les années 20, – et en France -, auprès de qui Jean-Devaivre prend avis et conseil, Joe Hamman qui va les aider pour les repérages – il connait la Camargue et les marais comme sa poche. Et aussi, le patriarche, – lui-même aussi auteur et réalisateur-, Jacques de Baroncelli, ‘lou marquis’, – le frère de Folco de Baroncelli, l’’inventeur’ de la Camargue à la fin du XIXe-, et père du critique de cinéma Jean de Baroncelli, puis aussi Denys Collomb de Daunand, qui quelques années plus tard tournera et écrira Crin Blanc.
Tourné en 1949, Vendetta en Camargue sortira en salles – à Paris, toujours au Balzac -, fin août 1950.
3 – Résumé / synopsis
‘Le Mas Saint-Elme’ : Quand Huguette Saint-Elme (Brigitte Auber) arrive en Camargue pour reprendre le mas hérité de son grand-père, elle a fort à faire, entre un élevage de toros et de chevaux laissé en semi-déshérence , les vols de bétail qui se multiplient, les brigandages et les guérillas internes des ‘romanis’ qui n’ont de cesse que de voler chevaux et novillos. D’autant que, pour les gardians du mas « … Etre commandé par une souris, ça, pas question ! .. je préfère tout laisser tomber ! ».
L’héritière Huguette a été d’abord écuyère – excellente tireuse -, et propriétaire d’un cirque ambulant, et le camion brinquebalant de son ‘Splendid Circus’ tombe en panne en arrivant au mas avec son petit équipage de poney, perroquet, singe. : Huguette va être aidée par le propriétaire du mas voisin, Frédé (Jean Paqui), qui va la tirer d’embarras.
Elle aura aussi à reprendre les choses en main face l’équipe goguenarde des gardians… et face aux manœuvres de la cheffe des gitans … (Rosy Varte) qui excite ses troupes et organise la vindicte contre ce qu’elle considère comme une intruse et une proie…
Taureaux volés, mas attaqué, trahie par Krebs (Thomy Bourdelle), le chef des gardians du mas, de cavalcades en courses-poursuites, Huguette va se trouver enlevée, et attachée sur le dos d’un taureau ..
4 – La signalétique
ActeursBrigitte Auber : Huguette |
Fiche techniqueRéalisation : Jean-Devaivre |
6 – Récit du tournage
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Contexte et préparatifs
Printemps 1949 : Jean-Devaivre a 36 ans. Vendetta en Camargue sera son 4e film.
Après La Ferme des Sept Péchés, film ambitieux, perçu comme difficile et noir, incompris des financiers – il n’a pas encore décroché le Grand Prix de Locarno, ce sera pour juillet 49 -, il veut un film plus léger, plus public, plus consensuel, aussi plus adapté à un public d’enfants qui à cette époque n’ont pas de cinéma conçu pour eux.
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Extraits de « Action ! » Mémoires 1930-1970
« Printemps 1949 : La Ferme ne sort toujours pas en salles .., nous y avons investi tout ce que nous avions.
Nous sommes à bout de ressources, Neptune est économiquement exsangue, et nous avons maintenant trois enfants, une maison, et un prêt sur les bras. Il faut vivre, faire ‘rentrer du foin’…
Les choses seront peut-être plus faciles si nous nous portons sur des sujets moins complexes, plus publics, plus accessibles à tous, et surtout aux financiers potentiels.
Nous allons nous jeter sur “ Miss Cow Boy ” : avec René Méjean et Jeanine Grégoire nous avons tôt fait de développer une idée, de tourner un “western français” en le situant en Camargue. Film spectacle, de mouvement, visible par tous, surtout par les enfants qui, en général, sont toujours oubliés.
Le film s’intitule Miss Cow Boy. Par la suite, le titre sera changé et deviendra Vendetta en Camargue.
L’histoire, gentille, n’est qu’un prétexte à un certain style de cinéma, les grands espaces et les grandes chevauchées, les gentils et les méchants…
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Repérages
Je pars en Camargue avec Lucien Joulin, pour choisir les lieux de tournage, et retrouve Joe Hamman comme guide. Joe Hamman est une ancienne vedette du cinéma muet qui a fait un grand nombre de westerns tournés en Camargue. Le Vaccarès et ses abords n’ont aucun secret pour lui. Hamman connaît tous les mas, les roubines, les sentiers, inondables ou non. il suffit de lui dire l’endroit recherché, sa situation, ses abords. Aussitôt il nous emmène voir 3 ou 4 lieux différents, il n’y a plus qu’à choisir.
« … J’ai eu l’idée de Miss Cow-Boy en regardant la couverture du ‘CHASSEUR FRANÇAIS’ ! … un taureau magnifique fonçait sur l’objectif et je me suis dit, pourquoi ne pas faire un film en Camargue, région que j’avais connue lors du tournage de Cartacalha.
Sortant d’un film noir et dur comme la Ferme des 7 péchés, avec de lourdes difficultés financières, j’avais envie de m’attaquer à un film plus léger, plus facile, et plus public, on ne faisait pratiquement pas de film pour les enfants….. Alerte au Sud était encore retardé.
J’ai donné 15 pages à René Méjean : L’idée était de faire une parodie de westerns, où les gitans remplaceraient les indiens, et les gardians les cow boys.., filmer des cavalcades dans de grandes perspectives… »
Bref, faire un film de détente !
Le choix des comédiens
Brigitte Auber
… Après plusieurs essais, je prends Brigitte Auber, jeune et jolie sportive qui vient de tenir un rôle plus qu’honorable dans Rendez-vous de Juillet. Un coup de téléphone à Jacques Becker : il me confirme qu’elle est sérieuse et appliquée. C’est bien elle qu’il faut !
Rosy Varte
Autres essais pour le rôle de la gitane. Parmi les candidates qui se présentent, une jeune fille accompagnée d’un jeune homme. En la quittant, il lui fait un signe d’encouragement. Je ne le connais pas. Il vient de monter un spectacle à Saint-Germain-des-Prés à La Rose Rouge : c’est Yves Robert.
La jeune fille qui l’accompagne fait son bout d’essai. Parmi ses concurrentes, il y a certes des jeunes femmes de talent, qui eurent ensuite des carrières diverses. Mais celle-ci a un tempérament qui éclate, qui s’est immédiatement adapté à son rôle : elle pense, elle vit ce qu’elle fait.
Pour le rôle de la gitane, c’est elle que je choisis : elle s’appelle Rosy Varte.
Jean Paqui
Pour le rôle du gardian au grand cœur, ce sera Jean Paqui (le chevalier d’Orgeix). Excellent cavalier, premier dans tous les concours hippiques internationaux, – il vient de remporter un titre olympique en saut d’obstacles
Il n’a que 27 ans, mais c’est un comédien confirmé, de théâtre, et de cinéma.
Je le retrouverai bientôt, pour Un Caprice de Caroline chérie, où dans une salle de bal désertée il fait littéralement danser son cheval pour compenser l’absence des invités. Quel merveilleux comédien, et merveilleux ami.
Plus tard, nous l’avons pressenti pour le rôle principal d’Alerte au Sud, qui se fera finalement sans lui, et je l’ai regretté…
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Tournage : les premières scènes
Pour le tournage, nous prenons notre cantonnement à Saint-Gilles-du-Gard.
Le premier jour, ma première vision, dans la lande, est celle d’une espèce de gerfaut galopant droit à travers les touffes de saladelles et de salicornes.
Le cavalier porte une immense cape noire qui flotte au vent derrière lui; cet homme âgé, encore vif comme un jockey, c’est “Lou Marquis” de Baroncelli.
Sur une piste sableuse, au milieu d’une prairie constellée de touffes de salicornes, le démarrage est pénible….. Un vieux camion, où une multitude d’accessoires hétéroclites sont accrochés autour d’une pancarte Splendid Circus, avance lentement. Le moteur a de fréquents ratés et cale. A chaque arrêt, un perroquet sorti de sa cage mord la queue d’une guenon qui hurle et vient se réfugier sur le volant. Brigitte Auber conduit cet ancêtre de véhicule.
Un écran réflecteur de soleil de deux mètres, poussé par le vent, s’abat en travers de la piste, puis un machiniste se prend les pieds dans le câble d’alimentation de la caméra. Ensuite, c’est le tour du câble reliant la grosse batterie d’accus à l’appareil d’enregistrement sonore sur pellicule magnétique – innovation américaine, les magnétophones amateur n’existaient pas encore.
C’est un Broche, le premier appareil venu en France. Le camion hoquetant, repart en marche-arrière dans des grincements terribles.
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